Le SEGA TeraDrive
Après avoir principalement développé plus d’une dizaine de jeux bon marché sur GameBoy et NES, c’est à la fin de l’année 1993 que l’équipe de Beam Software s’est attaquée pour la première fois à la Mega Drive avec Blades of Vengeance. Il s’agit d’un jeu d’action nous plongeant dans un pur univers « heroic fantasy » aux côtés de trois aventuriers résolus à en découdre avec les forces du mal dans le but de rétablir l’ordre et la paix dans un Royaume décimé par la guerre.
Si le nom de Blades of Vengeance ne vous évoque pas grand-chose, c’est parce qu’il s’agit malheureusement d’un jeu encore trop méconnu sur la console de SEGA. Il faut reconnaître que de nos jours, les jeux estampillés « Electronic Arts » rencontrent peu de succès auprès des joueurs ainsi que des collectionneurs du dimanche.
Outre le format de la cartouche bien spécifique aux jeux de chez Electronic Arts, la jaquette se veut bien trop classique dû à son style purement occidental rappelant ces vieux films en VHS souvent de piètre qualité. Non, la jaquette de Blades of Vengeance est loin de vendre du rêve et il est vraiment dommage qu’Electronic Arts n’a pas songé à proposer une version alternative soit pour le marché européen ou américain.
Notez qu’il est assez étonnant pour l’époque que le personnage féminin se retrouve au centre de la jaquette laissant ainsi en retrait les deux autres protagonistes. C’est loin d’être un choix judicieux, car au début des années 90, il était bien plus vendeur de mettre en avant des personnages masculins représentant le parfait mâle alpha tout en muscle. Ce fût par exemple le cas avec la série des Golden Axe où la jolie amazone Tyris Flare fût systématiquement positionnée en arrière-plan. À la recherche de la maléfique « Mannax »
En outre, l’intrigue que nous propose Beam Software n’a rien d’original ni de palpitant. En effet, la maléfique Mannax, dame des ténèbres a conquis le Royaume et dans l’espoir de rétablir l’ordre dans le pays, un mystérieux sorcier envoie trois héros en mission afin de l’anéantir. On pourra difficilement faire plus simple niveau narration ! Pour peu que le manuel d’utilisation soit encore présent dans la boîte, vous ne pourrez pas en apprendre davantage sur l’intrigue ni même sur l’origine de l’un des trois aventuriers qui étrangement ne possèdent pas de nom. Il faudra alors se contenter de les désigner par leur compétence : la chasseuse, le barbare et le magicien. Logique !
L’écran titre de Blades of Vengeance se veut rudimentaire et ne propose aucun menu d’options que l’on retrouve dans la plupart des jeux de cette génération. Avant de commencer une nouvelle partie, il n’est donc pas possible de sélectionner un niveau de difficulté ou même de changer la disposition des boutons. Il faudra alors se contenter d’un décor montagneux défilant en boucle avant d’accéder à l’écran de sélection des personnages après une pression sur la touche « Start ». Surprise ! La chasseuse est une fois de plus mise en avant puisqu’il s’agit du premier personnage sélectionnable qui en prime dispose des caractéristiques les plus intéressants.
En effet, cette dernière a une excellente portée d’attaque et son agilité lui permet d’accéder facilement à des plateformes éloignées. À contrario, le barbare possède une grande puissance, mais souffre d’une faible portée d’attaque avec une détente verticale relativement faible. Le magicien a l’avantage de lancer des attaques à distance, ce qui s’avère très pratique pour faire le ménage sans prendre de risques, mais ses coups manquent cruellement de puissance. Il ne fait aucun doute que Beam Software avait choisi la chasseuse comme héro principal pour son jeu, ce qui s’avère une bonne chose puisqu’il s’agit du personnage le plus agréable visuellement en comparaison aux sprites du barbare et du magicien.
Aux premiers abords, Blades of Vengeance se présente comme un jeu de plateforme dès plus traditionnel, mais ce dernier a la particularité d’insérer des notions de jeux de rôles notamment avec la possibilité de récupérer en chemin une multitude d’objets dissimulés dans des coffres ou sur le cadavre de nos victimes. Lorsque le joueur ramasse un objet, il est automatiquement stocké dans un inventaire en vue d’être utilisé plus tard dans l’aventure.
Certains de ces objets seront d’une grande aide comme les potions d’énergie, les baguettes ou les anneaux magiques capables d’éliminer instantanément les ennemis. Il y a également les clés ouvrant des portes fermées, les potions de champs de force assurant une protection temporaire contre les attaques et autres pièges, mais aussi les potions de gaz annulant les effets des vapeurs toxiques.
Pour les utiliser, il faut dans un premier temps se rendre dans l’inventaire en appuyant sur « Start » puis sélectionner l’objet souhaité. Par la suite, il faut appuyer de nouveau sur « Start » pour reprendre la partie puis presser le bouton « A » afin d’utiliser l’objet en question. Cette opération devra être exécutée à nouveau si l’on souhaite changer d’objet, ce qui n’est guère très pratique et tend à casser le rythme de l’action. Par exemple, il devient vite frustrant de gaspiller une vie, car nous n’avons pas eu le temps de consommer rapidement une petite potion d’énergie dans un moment délicat contre un boss, voire un simple ennemi.
Il est également possible de récolter de l’argent et de l’or afin d’acheter divers items en boutique disponible à la fin d’un niveau. En plus des objets cités que l’on peut récupérer dans un niveau, la boutique propose d’acheter des vies supplémentaires et une armure permettant de bénéficier d’une compétence spéciale en plus d’accroître la résistance aux attaques. Au vu de la difficulté élevée du soft où la moindre erreur ne pardonne pas, cette armure est indispensable pour espérer progresser sereinement d’autant plus qu’il est possible de la garder même après un fâcheux game over.
Par ailleurs, le joueur ne dispose d’aucun crédit au début de la partie et après avoir perdu les trois vies offertes, il faudra recommencer tout depuis le début ! Heureusement, il est possible de récupérer un crédit à partir de 75 000 points, c’est-à-dire pas avant le troisième, voire le quatrième niveau. Cela aurait du sens si Blades of Vengeance était un jeu accessible avec un niveau de difficulté sélectionnable, mais hélas, c’est bien loin d’être le cas.
Il y aussi cette fâcheuse sensation d’injustice face à un level design maladroit où il est difficile d’éviter des dégâts malgré la présence d’une position de défense contrant les attaques frontales. Pour ce faire, il suffit de presser la touche « bas » et le tour est joué ! Bien qu’il s’agisse d’une fonctionnalité indispensable pour progresser, il faut souligner que c’est un choix plutôt étrange, non naturel et peu esthétique pour ce type de jeu orienté sur l’action. Un périple long et difficile
Malgré un bestiaire plutôt étoffé, il est difficile d’apprécier cette variété tant les ennemis possèdent des paternes peu évidentes à mémoriser en plus d’être obligé à trouver le bon timing pour attaquer très brièvement. C’est pour dire, dès le second niveau, il faut sans cesse se protéger et attendre le moment opportun pour frapper l’un de ses opposants. Il n’est pas rare de s’y reprendre à plusieurs reprises pour détruire un ennemi lambda et il faut s’armer d’une grande patience lorsqu’il s’agit d’ennemis plus coriaces comme les loups-garous par exemple. Il y a également d’autres types d’ennemis difficiles à toucher à cause de leur petite taille et d’une boîte de collision peu évidente à trouver, ce qui complique grandement les choses.
Pour les braves et vaillants aventuriers d’entre vous qui auront réussi à se frayer un chemin jusqu’à la fin d’un niveau, il faudra affronter un boss comme dans tout bon jeu d’action qui se respecte. Ces derniers se veulent redoutables et il faut reconnaître qu’il n’est pas chose aisée de garder son sang froid quand on sait que la moindre vie nous est précieuse. Cela dit, les boss bénéficient de paternes relativement simples et en étant un tant soit peu attentif, on arrive à trouver assez rapidement la bonne approche pour remporter la victoire. Par ailleurs, il ne faut surtout pas hésiter à utiliser certains objets comme les anneaux ou les baguettes magiques afin de leur infliger des dégâts supplémentaires et de bien veiller à disposer de suffisamment de potions pour se restaurer de l’énergie dès que nécessaire.
Pour venir à bout de cette aventure composée d’un total de huit niveaux, il faudra compter chrono en main une bonne heure et demi en moyenne. Cela confère à Blades of Vengeance une bonne durée de vie qui aurait pu être meilleure si le mode deux joueurs inclu présentait un véritable intérêt, ce qui dans les faits est loin d’être le cas. Pour être franc, en coopération l’expérience devient rebutante au point de devenir une véritable torture pour l’esprit tant il est difficile de suivre son partenaire tout en évitant les ennemis et autres pièges qui pullulent dans chaque niveau. C’est à se demander si les gars de chez Beam Software ont pris le temps de tester ne serait-ce qu’au moins une fois leur jeu à deux !
Sur le plan technique, Blades of Vengeance se contente du minimum syndical avec un scrolling sur deux plans. Alors oui, on retrouve un joli effet de distorsion avant chaque niveau et sur l’arrière-plan du premier niveau, mais c’est bien trop peu pour nous impressionner devant l’écran surtout quand on connaît les possibilités offertes par la console. Heureusement, le jeu se défend plutôt bien graphiquement avec des décors soignés, des sprites de grandes tailles héritant de jolies animations et un choix de couleur plutôt convaincant. Il ne s’agit pas d’un des jeux les plus beaux de la Mega Drive, mais le rendu visuel est très agréable et il est fort appréciable de constater que Beam Software n’a pas hésité à inclure du contenu mature notamment avec la présence de giclées de sang tombant au sol et une tenue très légère pour la chasseuse.
Malheureusement, les musiques de Blades of Vengeance sont loin de mettre en valeur la puce sonore de la Mega Drive puisqu’elles n’ont rien d’exceptionnelles et ne collent pas avec l’ambiance des niveaux. Il est difficile de croire que le compositeur avait réalisé ces musiques spécialement pour le jeu tant il y a un décalage entre l’univers et les mélodies. Ce n’est guère mieux avec les effets sonores qui dans l’ensemble sont beaucoup trop discrets et de mauvaise qualité. C’est vraiment navrant, car avec une bande sonore de qualité, il est certain que Blades of Vengeance proposerait une bien meilleure expérience.